Skip to main content

La longue marche pour l’égalité hommes-femmes vient d’atteindre un tournant avec la loi n° 2021-1774 du 24 décembre 2021 visant à accélérer l’égalité économique et professionnelle. Cette loi assigne en effet aux entreprises un objectif précis d’embauches ou de promotions afin d’atteindre un pourcentage minimum de femmes aux postes de direction. Les mauvais esprits noteront la date de ce texte et se souviendront de la phrase du regretté Pierre Desproges : « L’adulte ne croit pas au père Noël. Il vote. » Et pourtant… Depuis la loi Copé-Zimmermann votée en janvier 2011 imposant pour la première fois un quota, plus de 40 % de femmes siègent désormais dans les conseils d’administration et de surveillance des sociétés cotées au SBF 120. Le constat sur la place des femmes dans les autres fonctions de direction reste tou-jours sans appel. Selon les chiffres cités en 2019 par le Haut Conseil à l’Égalité, moins de 14 % de femmes siégeaient dans les comex des 60 plus grandes entreprises françaises cotées. Le législateur n’offre plus d’autre choix aux entreprises que de remédier à cette situation, mais leur donne le temps d’atteindre les objectifs fixés par les nouveaux articles L.1411-11 à 13 du Code du travail.

Champ d’application

L’obligation concerne les entre-prises d’au moins 1 000 salariés sur trois exercices consécutifs et vise les postes de cadres dirigeants et de membres d’ins-tances dirigeantes.
Sur cette dernière notion, le texte renvoie à une définition spécifique du Code de commerce (nouvel article  L.23-12-1 : « … toute instance mise en place au sein de la société, par tout acte ou toute pratique sociétaire, aux fins d’assis-ter régulièrement les organes chargés de la direction générale dans l’exercice de leurs missions »).
Pour la définition du cadre dirigeant, la loi est muette, mais l’on se référera utilement à celle donnée par l’article L. 3111-2 du Code du travail en matière de durée du travail et à la jurisprudence.
Pour être éligible à ce statut, le cadre dirigeant doit répondre à quatre critères :

  • exercice de responsabilités dont l’importance implique une grande indépendance dans l’organisation de son emploi du temps ;
  • existence d’une habilitation à prendre des décisions de façon largement autonome ;
  • versement d’une rémunération se situant dans les niveaux les plus élevés des systèmes de rémunération pratiqués dans l’entreprise ou l’établissement ;
  • participation à la direction de l’entreprise.
    Des précisions opérationnelles sur cette notion seraient néanmoins bienvenues.

Un quota par palier de 30 % en 2026 puis de 40 % de femmes en 2029

L’objectif de 30 % de femmes dans les postes direction doit être atteint au 1er mars 2026 et celui de 40 % au 1er mars 2029. Après le 1er mars 2026, les entreprises qui n’auront pas atteint cet objectif devront inclure ce thème dans leur négociation obligatoire sur l’égalité hommes-femmes et prendre des mesures unilatéralement en l’absence d’accord. Le procédé est identique pour l’atteinte du quota de 40 %.

Quelles informations et quelles sanctions ?

À compter du 1er mars 2022, les entreprises concernées devront publier, chaque année, les écarts de représentation entre les femmes et les hommes parmi les cadres dirigeants et les membres des instances dirigeantes. Cette publication se fera également sur le site du ministère du Travail à partir du 1er mars 2023.
Le législateur a d’ores et déjà prévu que les entreprises qui n’auront pas atteint les objectifs assignés un an après la date butoir devront publier les objectifs de progression fixés et les mesures de correction prises. D’ici mars 2031, les entreprises qui ne seraient toujours pas en conformité devront s’acquitter d’une pénalité de 1 % de la masse salariale.

Les précautions à observer en matière de discrimination positive

Rappelons ici que la législation communautaire autorise que des mesures soient prises par les États afin de remédier « aux inégalités de fait qui affectent les chances des femmes », mais elle soumet l’application de ce principe à un strict contrôle des juges.
En pratique, une préférence pour le sexe sous-représenté peut-être opérée uniquement si les candidats aux mêmes fonctions possèdent des mérites équivalents ou sensiblement équivalents et dès lors que les candidatures font l’objet d’une appréciation objective qui tient compte des situations particulières d’ordre personnel de tous les candidats (CJCE 28-3-2000 aff. Badeck et CJCE 6-7-2000 aff. Abrahamsson).
Par ailleurs, le juge considère que le niveau de poste à pour-voir ne peut permettre de s’affranchir de ces règles.
Un chantier culturellement passionnant dont la mise en œuvre s’avère néanmoins délicate. ♦

Chronique rédigée par Yvan WILLIAM
publiée dans le magazine Entreprise & carrières

58, rue Jean-Jacques Rousseau
75001 Paris
+33 (1) 42 33 45 83